Mes sources égyptiennes : la Ligne du Pli, son origine, son évolution et ses conséquences
La ligne du pli, une fois écrasé, vient de ma vie permanente pendant 11 ans dans l’environnement minéral de Karnak, ses ruines et sa culture antique. Il y avait aussi une ligne prédominante naturelle, arête, coupure tendue, radicale, pure, séparatrice des matières élémentaires entre elles : le Nil vu d’avion coupe d’un long trait le pays en deux ; les lignes-frontières entre l’eau/la terre, la statue/la terre… Et partout les lignes en creux ou en relief, les contours des statues, les traits de l’écriture à la beauté extrême de l’art égyptien, ligne-signe de la victoire de l’homme sur le chaos du désert, page informelle.
Au début, je pliais mes toiles comme des draps ; je peignais entre les plis, ce qui me ramenait aux registres égyptiens ; puis le pli est sorti de la pliure naturelle du drap pour envahir le centre des figures. Très tôt, un voile de tarlatane semi-transparent a recouvert les toiles : j’avais besoin physiquement de faire reculer les formes derrière un écran.
En fait, je retrouvais un réflexe d’accommodation oculaire que nous avions en Egypte : trop de lumière ou trop d’évaporation au-dessus du Nil formaient comme un brouillard que l’oeil, alors comme myope, s’efforçait de percer.
La ligne du pli sécrète l’idée d’un contour, mais elle est abstraite, elle renvoie à l’absence, à un vide. Contour du caché ? Tout le contraire de la peinture qui veut donner à voir. Les plis, lorsqu’ils sont nombreux, forment un filet de lignes subliminales emprisonnantes ; ils génèrent une tension parce qu’ils refont autrement le lieu de la peinture, ils renversent les habitudes du Voir.
Plus il y a de plis, plus il y a de fragments et plus l’oeuvre se développe en densité, en épaisseur physique. Chaque fragment-cellule contient une vie propre, même si celui-ci est ramené à l’ensemble synthétique. Il en résulte l’impression d’un processus revitalisant la couleur quand elle est taillée, une reviviscence de son pouvoir ; il semble pour l’oeil qu’elle en est renforcée dans sa relation avec la forme.
Le pli est né au cours d’une longue pratique de dessins à l’encre sur papiers de riz chinois puis il est entré peu à peu dans des jeux de rapports avec la couleur.
Les plis, ou le Royaume du Secret, car le pli enferme, contient, découpe et abstractise, et ce faisant, il donne à voir autre chose…
Encres sur papier de riz
Le Pli s’accorde bien avec l’humour et l’énigme. IL faut trouver les endroits exacts où plier.
Encre de Chine sur papier de riz, plis.
TIRÉS-POUSSÉS la porte étroite, 2005
Acrylique sur toile, plis, 300 X 160 cm
Exposition La Vie comme un Pèlerinage
LA CHUTE, 2005
Acrylique sur toile et voile, plis, 164×190 cm
exposition La vie, comme un Pèlerinage
LE DOUTE, 2004
Acrylique sur toile et voile
Exposition La vie, comme un Pèlerinage
EX VOTO, 2006
Cravates pliées – tressées sur structure métal
Exposition La Vie, comme un Pèlerinage
2008
1
Série des chevrons.
Aquarelle sur papier japonais préparé.
Souvenir des petites vagues qui pulsaient sous le soleil couchant à raz du Nil.
2013
2
Série des pliés-velours.
Technique mixte sur papier coréen.
Particulièrement soyeux et agréable à travailler, c’est un papier coréen à effet de velours pour l’œil, caressant, profond.
2014
3
Série des pliés à 4 feuilles.
Technique mixte sur papier.
Recherche de mouvement tournant dans l’œuvre finale.
2014
4
Série des plis à bandes.
Acrylique et pigments sur papier japonais épais.
À force de beaucoup de beaucoup de plis, tordre le papier et trouver des mouvements et de nouvelles formes.
2019
5
Série des plis serrés.
Technique mixte sur papier, 6 feuilles.
Rappel des petites croix coptes en cuir tressé serré lors des pèlerinages annuels sur la rive Ouest du Nil.
2021
6
Série des plis-couleurs.
Technique mixte sur papier japonais.
Où la couleur s’impose au pli, où le pli valorise la couleur …
Le désir de faire s’interpénétrer en les pressant entre elles par les plis 4 peintures hétérogènes, très différentes, pour ne faire qu’un, pas seulement les assembler, est une gageure de plus. Une des fonctions du Pli se révèle : accrocher, rapprocher, agglomérer, réparer enfin. Toujours ce besoin de pousser plus loin nos habitudes du Voir, ni origami, ni patchwork dans ce cas…
Sans titre 2015
Pigment et acrylique sur papier Népal
Les bandes parallèles de couleurs peintes se prêtent spécialement bien pour créer du rythme et du mouvement, une fois coupées par les plis et en les faisant sortir de leurs directions premières. Le jeu est à l’infini.
On sort des feuilles rectangulaires sages, et on en fait une œuvre cacophonique.
Technique mixte sur papier japonais
Les plis et les bandes de couleurs se mêlent, plis et contre-plis, couleur sur pli et repli forment à la fin une sorte de tissage.
L’œuvre est devenue compacte, très serrée, imprenable, indéchiffrable pour l’œil tant organisation et désorganisation se succèdent.
Technique mixte sur papier
IL semble ici que ce travail particulièrement complexe des Plis-Couleur soit à l’image de ce qu’il advient dans les processus de croissance organique, par poussées et synthèses.
On retrouve un développement similaire dans les plis du Tressé bleu.